Champagne Pannier nomme chef de caves un grand expert de la bulle

Qui est Arnaud Van Der Voorde, le nouveau chef de caves de la maison Pannier, à Saint-Thierry ? Violoncelliste à ses heures perdues et doué d’une vraie sensibilité artistique, c’est aussi un grand expert de la bulle qui a pratiqué la méthode traditionnelle aux quatre coins des vignobles françaisEntretien.

Comment en arrive-t-on à élaborer du vin lorsque l’on est issu d’une terre à cidre comme la Normandie ?

Dans ma jeunesse, j’avais une appétence pour la chimie. Je me suis d’abord essayé à des études de pharmacie qui n’ont pas fonctionné. J’avais envie de retrouver davantage de mise en pratique. J’ai toujours été amateur de vin et je me suis dit pourquoi ne pas essayer des études d’œnologie ? J’ai donc fait mon BTS à Avize, puis mon DNO (Diplôme national d’œnologue) à Reims où j’ai eu beaucoup de bons professeurs dont je garde un souvenir merveilleux, notamment Philippe Jeandet qui nous a quittés il y a peu. Il nous parlait toujours du resvératrol, cette molécule du vin aux pouvoirs antioxydants sous-exploitée selon lui. Clin d’œil de l’histoire, j’avais alors comme condisciple un certain Yann Munier, auquel je succède aujourd’hui chez Pannier, et qui a rejoint la maison Mumm, que je viens de quitter !

Avant de revenir en Champagne, vous avez roulé votre bosse dans de nombreux vignobles…

Pendant mon BTS, j’ai réalisé un stage à Chablis, chez William Fèvre. Cela m’a permis d’aborder le chardonnay d’une manière un peu différente, notamment à travers la vinification sous bois. J’ai rencontré là-bas Didier Séguier qui m’a beaucoup appris. À l’époque, au tout début des années 2000, la mode était encore de boiser très fortement les vins, Didier a su, au contraire, très tôt travailler sous bois de manière plus élégante. Pendant mon DNO, je me suis centré sur les rouges, en effectuant mon stage à la coopérative de Tain l’Hermitage. J’ai rejoint ensuite Laurent Combier, qui m’a formé à la viticulture bio. La famille était pionnière, son père avait commencé dans les années 1960 ! Cette expérience m’a été très utile par la suite, lorsque j’ai rejoint la coopérative de Die où 15 % des surfaces à l’époque étaient déjà converties.

Cette première approche de la bulle vous a-t-elle servi pour aborder ensuite le champagne ?

C’était une autre vision de la bulle, très différente, mais très intéressante, avec cette fameuse méthode ancestrale, qui ressemble à celle des cidres artisanaux, où la fermentation commence en cuve pour s’achever en bouteille, et où il n’y a donc pas de seconde fermentation. On s’appuyait sur les levures spontanément présentes. Je dis bien « levures spontanées », je ne crois pas au concept de levure indigène qui sous-entend qu’il existerait une levure de terroir. Même si elles peuplent naturellement le milieu, il est difficile d’imaginer des levures qui camperaient sur une parcelle par temps de mistral ! Beaucoup sont transportées par le vent, et on peut imaginer des levures du Beaujolais arriver sur des syrahs septentrionales. On a procédé à plusieurs expérimentations de badigeonnage de la pruine des raisins, de cinq jours à un jour avant la récolte, on voit que c’est très changeant !

Ensuite, quand on va regarder les levures présentes dans le chai, là-aussi, il existe une grande diversité. La particularité de la méthode ancestrale, c’est que les fermentations ne durent pas quinze jours, mais deux à huit mois, du coup le chai est tout le temps ensemencé. Et quand on badigeonne les murs et les cuves, on trouve une vingtaine de levures. On l’a fait sur cinq années. Quatre souches étaient assez récurrentes tout en s’activant différemment selon les conditions de l’année, l’acidité plus ou moins forte amenée par le millésime, la quantité plus ou moins importante de sucre et d’azote… Et ces levures-là, sont en réalité très difficiles à retrouver au vignoble où elles n’apparaissent qu’à de très courts moments sur la pruine.

Vous avez quand même beaucoup pratiqué la méthode traditionnelle (seconde fermentation en bouteille)…

C’est vrai que tout au long de ma carrière, elle ne m’a presque jamais quittée. Hormis pendant les deux ans que j’ai passés à Crozes-Hermitage. Même chez Jaillance, il existait tout de même un crémant de Die, et le groupe travaillait aussi sur des crémants de Bordeaux et de Bourgogne, ainsi qu’à Vouvray. Puis j’ai retrouvé les crémants dans le Jura lorsque j’ai rejoint Grands Chais de France, avec des assemblages principalement de chardonnay et de pinot noir, sur des équilibres qui ressemblent beaucoup à ceux que l’on trouve en Champagne. On est sur une roche mère calcaire, un calcaire plus dur certes, mais tout de même proche par les sensations qu’il procure.

Grands Chais de France a aussi investi en Savoie en nouant un partenariat avec Philippe Viallet, à qui elle a confié l’élaboration de crémants sur ce terroir. Je me suis retrouvé là-encore à travailler le chardonnay, mais aussi l’altesse et surtout le jacquère. Cette lecture savoyarde était très plaisante, me donnant l’opportunité de retrouver une minéralité intéressante, grâce notamment à la tension du jacquère, un cépage productif qui permet d’aller chercher des acidités naturelles, ce qui évite de devoir bloquer les fermentations malolactiques, l’acide malique ayant quelque chose d’un peu vert. Lorsque je regarde en arrière, je m’aperçois que j’ai beaucoup collaboré avec des vignerons des montagnes. J’ai toujours adoré leur mentalité, ce sont des personnes qui savent travailler dans des conditions difficiles pour la viticulture et dont les vins ne se vendent pas très cher, même s’ils sont de plus en plus recherchés.

Le dernier fil rouge de ma carrière est sans doute le chardonnay dont j’ai toujours été amoureux. C’est lui qui m’a fait aimer le vin. La diversité de ses expressions selon les régions et les sols me fascine, que ce soit à Chablis, dans le Languedoc ou encore la Drôme, où je l’ai croisé à nouveau lorsque je travaillais avec les caves Carod. Même dans le Jura, alors qu’il peut sembler peu propice aux élevages sous voile pour les vins jaunes à cause de son milieu de bouche trop gras et de son intensité aromatique plus faible que le savagnin, on s’aperçoit tout de même qu’au bout de deux ou trois ans, il donne une très belle expression ! En revenant en Champagne, j’étais ravi de le retrouver, ce qui ne m’empêche pas d’aimer également beaucoup le meunier, cépage iconique de notre maison et de la vallée de la Marne !

Cet article Champagne Pannier nomme chef de caves un grand expert de la bulle est apparu en premier sur Terre de Vins.

Commentaires

  • Il n'y a pas encore de commentaires.
  • Ajouter un commentaire