À la veille de son vingtième anniversaire, la maison Frèrejean Frères a organisé une verticale pour revenir sur sa fondation et évaluer le chemin parcouru. La succession des millésimes de la cuvée Les Hussards raconte une histoire viticole qui naît et gagne en envergure grâce l’audace entrepreneuriale qu’ont reçue en héritage les frères Fèrejean-Taittinger, Guillaume, Richard et Rodolphe.
Frèrejean Frères : le nom de la maison, qui sonne comme une scansion, remonte à une aventure entrepreneuriale plus martiale que viticole. L’entreprise Frèrejean Frères s’est illustrée une première fois en Champagne à la bataille de Valmy, en 1792. Elle avait fabriqué les canons de l’armée républicaine. Cette victoire, modeste sur le plan militaire, mais déterminante pour la pérennité de la jeune République, ne compromet pas le succès des pièces d’artillerie de l’entreprise qui fournit ensuite l’épopée napoléonienne.
En 2005, d’autres frères Frèrejean, descendants des fabricants de canons, ravivent le nom de l’entreprise en lui donnant un destin viticole. Guillaume Frèrejean-Taittinger souhaite continuer son aventure champenoise interrompue avec le rachat du Groupe Taittinger par le fonds de pension américain Starwood. Il revient donc aux sources grâce aux vignes héritées de sa grand-mère Taittinger. Débutée en secret, l’aventure a depuis pris de l’ampleur. Désormais, Guillaume et Rodolphe Frèrejean-Taittinger sont à la tête d’une « Maison artisanale de vins de Champagne ».
La cuvée les Hussards, millésime après millésime, rend hommage à la cavalerie de Napoléon. Si aujourd’hui la maison Frèrejean Frères ne fabrique plus de canons, elle produit de quoi célébrer les victoires. Parmi elles, le millésimé peut s’enorgueillir d’une consécration : une verticale qui vient sceller la maturité de la jeune maison qui fêtera, en 2025, ses 20 ans…
Les premières cuvées des Hussards sont issues du cantonnement de Grauves, terroir encaissé et méconnu de la Côte des Blancs où le chardonnay règne en maître. Avec son adresse à Avize, Frèrejean Frères, fidèle à ses origines, commence par élaborer des blancs de blancs millésimés. Le premier d’entre eux, 2005, constitue un beau coup d’essai à la faveur d’une année chaude. Sur des fragrances de fruits secs et d’abricot, les années de caves patinent une bouche onctueuse et une finale torréfiée. Également 100?% Grauves et 100?% chardonnays, 2007 ne manque pas de caractère. Le millésime, réputé compliqué à cause d’un été frais et humide, conforte pourtant les frères dans leur projet grâce à des raisins dont la fraîcheur augure un beau potentiel de vieillissement.
Depuis 2008, les assemblages de la cuvée des Hussards se sont complexifiés. S’ils conservent une majorité de raisins de Grauves, ils gagnent du terrain sur la Côte des Blancs avec des prises à Avize, à Chouilly et au Mesnil-sur-Oger. Aujourd’hui, la maison Frèrejean Frères peut compter sur 14 hectares pour ses approvisionnements, dont 6 hectares en propre.
À dix-neuf ans, quand les aînés sont centenaires, la jeune maison Frèrejean Frères pourrait faire feu de tout bois et ignorer l’importance du facteur temps dans l’élaboration du champagne. Mais, présente dès les origines, la transmission oblige aussi l’actuelle génération. Ainsi, les frères Frèrejean-Taittinger inscrivent leur démarche dans une perspective artisanale et vigneronne et s’associent, dans un premier temps, avec Didier Pierson qui apporte l’approvisionnement issu de ses vignes et son expertise. Pas de précipitation donc, pour révéler la qualité et construire une réputation. Les champagnes ne vieillissent pas moins de quatre ans, et parfois jusqu’à douze ans pour les cuvées millésimées.
Au fil du temps, l’aventure vigneronne se positionne en véritable maison de Champagne et joue sur l’assemblage pour conférer davantage de précision et de profondeur à ses vins. 2012 et 2013, tout en conservant l’apport de Grauves et l’identité « chardonnay » de la Côte des Blancs, s’enrichissent d’une touche de pinot noir… En 2024, Frèrejean Frères expédie 150 000 bouteilles, majoritairement à l’export et parmi elles, les cuvées des Hussards encore disponibles, 2012 et 2013.
2012, le grand millésime sur lequel toute la Champagne (ou presque) s’accorde, représente l’occasion de définir le style Fèrejean Frères. Le nez tranchant, sur la craie, s’ouvre sur la fraîcheur des agrumes : citron et yuzu. La bulle est crémeuse et, après plus de dix ans de vieillissement, le vin conserve une belle fraîcheur qui prolonge des notes crayeuses et iodées d’une remarquable amplitude. C’est un champagne avec du tranchant et de la profondeur. Les 15?% de pinot noir participent certainement à l’amplification de la caudalie.
Cuvée encore disponible, en faible quantité.
Dégorgé en juillet 2024, le millésime 2013, présenté pour la première fois à la presse, dévoile un profil délicat qui doit s’ouvrir. Fruit d’une année tardive, après un printemps maussade, c’est l’été, avec un ensoleillement exceptionnel qui a permis de récolter des raisins avec une belle maturité s’exprimant après un vieillissement prolongé. Le nez se déploie sur des fruits blancs et une note de fond briochée. En bouche, l’attaque est vive. La bulle crémeuse relève des arômes délicats de fleur d’acacia et d’amande fraîche. La finale est saline et salivante.
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