On pense peu à la Savoie quand on évoque l’emmenthal – avec ou sans h. C’est le plus rare, il ne représente qu’un petit pour cent de la production hexagonale. Sa fabrication artisanale au lait cru de vache se fait exclusivement dans les deux départements savoyards et depuis le Moyen-Âge
Des emmentals, il en existe une brassée. En effet, en 1926, les accords de Stresa ont libéré le nom, internationalisant par conséquent une production restée jusque-là plus restrictive. Les meules reçoivent alors pour se distinguer le nom de leur pays d’origine. Emmenthal devient suisse, français, bavarois, autrichien, finlandais… L’emmental de Savoie tombe dans la production globale différenciée française par la dénomination « Est-Central ». Pour retrouver son origine, la filière fromagère instaure un cahier des charges définissant provenance et méthodes de fabrication. Le label régional Savoie naît pour devenir IGP (indication géographique protégée) en 1992 et atteste de sa qualité, son origine et protège son appellation.
Aujourd’hui, trois fruitières (coopératives) qui regroupent 670 producteurs en fabriquent 2 700 tonnes/an, ce qui n’est pas grand-chose. Le lait cru est fourni par les vaches de races Abondance, Montbéliarde et Tarine. L’emmental de Savoie est un fromage à pâte cuite, grosse meule cylindrique et bombée de 75 cm de diamètre, de 14 à 32 cm de haut pour un poids de 70 kg. Sa croûte jaune dorée arbore sur le talon « Savoie » en rouge. Comme ses pairs, sa pâte blonde comporte une multitude d’yeux, résultat de l’affinage de 75 jours, leur taille varie de la cerise à la noix. Son goût est frais, acidulé au fruité délicat. Toutefois, comme son nom l’indique, son origine est suisse des rives de la rivière Emme, thal désignant la vallée.
Le fromage attire comme un papillon vert lumineux le vin aux notes anisées. Grenache blanc frais, il se met d’emblée au diapason du Savoyard. L’échange est instantané, livrant poivre, mélisse, menthol, muscade, réglisse, café, en un tourbillon incessant. On ne sait plus qui donne quoi. Fusion. Puis, tout s’assagit, cherchant le fruit pour ajouter de la gourmandise à l’intensité. Poire, pêche et groseille blanche intègrent l’union. Tout s’équilibre, s’harmonise. On reste un instant coi après autant de fougue.
Jaune teinté d’un rien de rose, Ithybole respire la poire anisée et le bigarreau poivré. La bouche se fait fraîche, presque vive, un rien salée, poivrée aussi, mélangée d’herbes, dense et dynamique. Il n’en faut pas plus pour intéresser l’emmenthal. Tout d’un coup tout se fait plus intense. Le fromage s’en ressent plus acidulé, plus fruité, Le vin amplifie son fruit aussi, comme sa salinité, et se trouve de la rondeur. L’un a pris à l’autre comme pour intensifier sa personnalité, arriver un niveau autre. C’est un peu ça la complicité.
Une robe rose cerise comme le nez qui respire la fleur et le fruit. La bouche enchaîne et ajoute la délicate amertume du noyau aux nuances nasales. La bulle se fait onctueuse et installe un confort moelleux qui tente le Savoyard. Ce dernier n’hésite pas et la rencontre se montre plus intense qu’imaginée. C’est une avalanche de baies rouges et noires qui déboule sur nos papilles interpelées par tant de saveurs acidulées. L’amer déjà remarqué amplifie encore le bonheur gustatif.
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