Un fromage bleu qui naît dans un écrin de verdure, au beau milieu du parc naturel régional du Vercors. Son aire géographique s’étend sur un vaste plateau ondulé à plus de 800 mètres d’altitude, encerclé par les hautes falaises calcaires du massif. Un territoire homogène qui englobe 27 communes des départements de la Drôme et de l’Isère, où les herbages occupent 95 % des surfaces utiles
Ce bleu apparaît comme le moins connu des fromages à pâte persillée, ce qui est certainement dû à son long isolement. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, il était renommé et apprécié. Tout d’abord au Moyen-Âge comme produit local en vertu d’une charte promulguée en 1338 dans laquelle le baron Albert de Sassenage autorise les habitants de Villard-de-Lans à vendre librement leur fromage. Olivier de Serres le cite en 1600 dans son « Théâtre d’agriculture et de ménage des champs », Diderot le mentionne dans « L’Encyclopédie ». Il fera au fil des siècles l’objet d’un commerce important avant de péricliter après 1920 pour revenir certes timidement dans les années 50. Ce fromage bleu au lait cru ou thermisé de vache de race Montbéliarde, Abondance et Villarde, est aujourd’hui le seul fromage fabriqué à la ferme à partir d’un mélange de lait de la veille auquel on ajoute le lait cru du matin dans une proportion de 30 à 50 %. Il adopte la forme d’un cylindre plat à talon convexe, de 27 à 30 cm de diamètre et de 7 à 9 cm de hauteur pour un poids de 4 à 4,5 kg. Sa croûte se couvre d’une fine fleur blanche à gris bleu. Sa pâte ivoire à jaune clair, au persillage bleuté, souple et fondante, décline des goûts de fleurs de prairie où se reconnaissent la guimauve et la violette, la noisette et le sous-bois, le parfum minéral du silex frotté, l’épicé du poivre blanc et de la réglisse. C’est un bleu doux qui ne peut être commercialisé qu’après un affinage de 21 jours. Appellation d’origine contrôlée par le décret du 30 juillet 1998 et Appellation d’origine protégée en 2001.
Robe jaune au léger vert, il respire le romarin et l’estragon, le fromage trouve cela original. Tout rond en bouche, avec sa pointe de vivacité et son esprit salin, son caractère solaire, son amertume élégante, le vin s’annonce sans réserve au Bleu qui n’en croit pas ses yeux, enfin sa pâte, qui succombe aux avances bacchiques en un instant. Il en perd son sel, l’amertume de sa crème qu’il aime parfois mettre en avant. Plus rien de tout ça, c’est maintenant la douceur et la rondeur qui dominent la rencontre, instant privilégié qui offre cette plénitude.
Le doré poudré de vert enchante l’œil, mais son nez se fait discret pour ne pas effrayer le fromage. Il manœuvre en embuscade, ne pointant que l’effluve de quelques agrumes, la note florale du jasmin pour attirer sa proie. Il la surprend par sa tension minérale, l’accroche et cisaille de sa pointe cristalline la pâte onctueuse du fromage. La fraîcheur rend l’incision plus profonde, étalant guimauve, noisette, violette et autres richesses crémeuses. Puis, contrit, le vin se fait médecin dorlotant de confit de citron et de chair d’abricot la tendre meurtrissure du Bleu. La longueur termine la suture. 29?€ – domaineborischampy.com
Sa robe « vert tendre » fait d’emblée chavirer le cœur du Sassenage avec ses notes de gelées de rose et de jasmin, ses épices douces. Et dès qu’il le met en bouche, c’est l’extase. Le croquant du vin au léger frisant le rend fou, l’amertume gracieuse de gentiane fait fondre sa pâte de plaisir, la douceur aux goûts de guimauve et de pâte de mirabelle se transforme en un puissant arôme anisé des plus inattendus. L’incroyable s’est passé. La confrontation de ces deux tempéraments a modifié leur caractère jusqu’à leur âme pour nous offrir sur les papilles le fruit de leur transmutation. Un régal. 23?€ – barmes-buecher.com
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