Salagou en magnums : le pari du Domaine Augusta

Au bord du lac du Salagou, dans l’Hérault, le domaine Augusta bouscule les codes et l’IGP Coteaux du Salagou avec un projet audacieux : ne vinifier que deux hectares en agriculture biologique… exclusivement en magnums. Ce format haut de gamme est pensé comme un manifeste au service de vins rares, précis et vibrants.

À Salasc, minuscule village niché au bord du lac du Salagou, un vent de fraîcheur souffle sur l’IGP Coteaux du Salagou. Sur ces terres rouges sculptées par le temps, entre Lodève et Mourèze, un nouveau domaine fait son apparition : Augusta. Le nom évoque l’arrière-grand-mère, mais le projet, lui, est résolument tourné vers l’avenir. Installés en 2023, Thomas et Léa Verdeil-Bégault incarnent une nouvelle génération de vignerons audacieux, déterminés à faire rimer exigence et singularité.

Le cadre est spectaculaire. Le lac artificiel, créé dans les années 1960, repose sur une roche singulière, la ruffe, une argile rouge oxydée datant du Permien, déposée ici il y a plus de 250 millions d’années. Cette terre rare, chaleureuse, traversée de vents et baignée de lumière, Thomas, œnologue de formation et consultant pour plusieurs domaines dans le grand sud, la connaît bien. Sur six hectares en agriculture biologique, le couple cultive avec précision des cépages aussi bien originaux que méridionaux — viognier, sauvignon, souvignier, grenache, syrah — mais ne vinifie qu’une partie : deux hectares, entièrement travaillés à la main, destinés à produire une collection très limitée de… magnums.

Le choix du magnum comme manifeste

Dès le départ, Thomas et Léa ont pris un parti fort : l’intégralité de leurs vins mis en bouteille est au format magnum. Ce format est souvent réservé aux grandes occasions, mais ils souhaitent démocratiser. “Quand on est quatre ou six à table, un magnum, c’est simplement deux verres par personne”, souligne Thomas. Et ce n’est pas qu’une question de convivialité. Le magnum, c’est aussi un choix qualitatif : l’inertie thermique plus élevée, une oxygénation plus lente, une meilleure conservation des arômes. “C’est le contenant idéal pour faire vieillir un vin”, insiste-t-il.

Cette approche haut de gamme, assumée jusqu’au bout, se retrouve dans chaque détail : 2700 magnums seulement, conditionnés en cartons de quatre, vendus autour de 90 € l’unité, en direct ou chez quelques cavistes et restaurants soigneusement sélectionnés. “Je ne cherche pas à plaire à tout le monde. Je veux offrir une expérience aboutie, du contenu à la bouteille”, explique Thomas. Un positionnement rare dans la région, mais qui trouve un écho dans cette IGP confidentielle qu’est Coteaux du Salagou, de plus en plus prisée pour ses cuvées ambitieuses (Mas des Chimères, Malmont, l’Oratoire Saint-Jean d’Aureilhan…).

Vin premium et équilibre économique

Évidemment, une telle stratégie ne repose pas uniquement sur ces magnums. Pour assurer l’équilibre du domaine, les quatre hectares restants sont vendus en vrac à des négociants locaux, garantissant un socle économique stable. “C’est un choix réfléchi : on fait peu, mais on fait bien. Et le vrac nous permet de respirer?”, confie Léa, qui a récemment repris un emploi complémentaire. Un quotidien intense, partagé entre vignes, vinifications, clients et engagements professionnels. “C’est ça, être vignerons aujourd’hui. On court partout, mais on reste libres”, sourit-elle.

Le chai, construit dans la foulée de leur installation, témoigne de cette volonté de cohérence : un bâtiment discret, aux couleurs de la ruffe, parfaitement isolé pour se passer de climatisation, et littéralement fondu dans le paysage. Une architecture écoresponsable, sans tape-à-l’œil, qui répond à la beauté brute du Salagou. “Nous voulions nous fondre dans le décor. C’est notre manière de respecter ce lieu exceptionnel”, explique Thomas.

domaine augusta salagou
©Willy Kiezer

domaine augusta salagou
©Willy Kiezer

domaine augusta salagou Léa Verdeil-Bégault magnum
©Willy Kiezer


Terre de Vins a aimé

Le blanc d’Augusta a laissé une forte impression. Assemblage singulier de 90?% de viognier à maturité optimale et 10?% de sauvignon en sous-maturité, ce vin s’éloigne des codes classiques. “Quand personne ne veut vinifier du viognier, moi je m’éclate avec”, confie Thomas. Le résultat est bluffant?: un toucher de bouche vibrant, une salinité saisissante, une finale interminable. Un blanc qui déroute autant qu’il captive, presque impossible à deviner à l’aveugle.

Vendu 90 € au domaine, ce magnum est presque un objet de collection, tant par son contenant que par son contenu. Une bouteille sobre, élégante, à la hauteur de l’ambition du domaine. Le restaurateur François, de l’établissement L’Art et la Flamme à Mourèze, témoigne?: “J’aime les vignerons qui assument de faire des vins très haut de gamme. Mes clients ne sont pas choqués par le prix quand la prestation est à la hauteur. Ils veulent des histoires à raconter”. Une histoire, justement, que Thomas et Léa sont en train d’écrire, au rythme doux du Salagou.


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