Après 30 ans passés à révéler le terroir grandiose de Pavie Macquin, premier grand cru classé de Saint-Émilion, Nicolas Thienpont, le gérant vigneron, et Stéphane Derenoncourt, l’œnologue-conseil, reviennent sur leur complicité, moteur d’une collaboration plus que fructueuse.
La complicité de Nicolas Thienpont et Stéphane Derenoncourt est belle à voir. Faite de respect mutuel, d’une amitié parfois vacharde, de clins d’œil et de piques douces amères, elle dure depuis trois décennies. L’une des plus anciennes sans doute du monde du vin. « Elle n’aurait pas été possible sans la confiance illimitée de la famille propriétaire de Pavie Macquin qui a eu à cœur de transmettre ce domaine familial », tient à préciser Stéphane Derenoncourt.
Mais celui qui a été embauché par Maryse Barre, régisseuse avant Nicolas Thienpont, avoue volontiers qu’il s’est dit à la première rencontre : « ça ne va pas le faire ». Même défiance de l’autre partie quand il a vu débarquer dans son bureau « ce blondinet aux cheveux longs avec une boucle d’oreille. Mais il savait où il voulait aller et j’ai vite compris qu’on ferait plus à deux. Cela m’amuse toujours de le voir baver de plaisir à chaque fois qu’on change de terroir. Finalement, je l’ai vite apprécié et respecté. » Les deux acolytes ont donc écrit un petit fascicule intitulé Conversation du Terroir pour raconter cette complicité de 30 ans au service de Pavie Macquin, PavMac ou PM pour les intimes.
Pour Derenoncourt, venu du nord de la France, « PM est un lieu phare, un peu marginal, car pas facilement accessible et parce qu’il dégage des énergies très particulières par la présence de ses chênes et par la topographie ». Pour Thienpont d’origine belge, « c’est une histoire d’argile et de calcaire. Il est à part parce qu’il est très bien situé sur le plateau de Saint-Émilion avec des températures souvent plus froides qu’ailleurs. »
Pavie Macquin s’illustre par une opposition entre, au nord, près de Troplong-Mondot, des sols profonds et argileux, donnant des vins sombres et un peu austères, nécessitant la patine du temps pour devenir plus aimables. Et au sud, près de château Pavie, des sols plus calcaires, mélangés au sable, donnant des vins aériens et épicés. C’est sur cet équilibre au profit des calcaires que l’œnologue-conseil a misé afin d’obtenir des vins plus élégants, frais et tendus. Quant au vigneron autodidacte, ancien professeur de philosophie, il reconnaît volontiers que ses vins ont « mauvais caractère, surtout quand ils sont jeunes, mais dans un style qui allie délicatesse, puissance et minéralité, volume et verticalité ».
1995, sous le signe de l’abondance, avait sauvé le domaine alors dans un état financier précaire. La propriété d’à peine 15 hectares avait été fondée fin 19? par l’ingénieur agronome Albert Macquin. Celui-ci avait introduit en France les plants greffés américains, sauvant ainsi le vignoble du phylloxera. Pavie pour le lieu-dit de la colline, Macquin pour le fondateur. Elle avait été confiée à des gérants par la quatrième génération. D’abord à Hubert Charpentier, régisseur poète qui a baptisé les cuvées. Puis à partir des années 80 à Maryse Barre, également courtière, qui avait embauché le jeune Derenoncourt en 1989. Le tandem avec Nicolas Thienpont va hisser PM au rang de premier grand cru classé de Saint-Émilion à partir de 2006.
Mais Stéphane Derenoncourt situe la charnière en 2015, quand le cabernet franc apporte son côté charmeur et une gamme aromatique plus florale, de l’allonge, une finesse de tanins et un velouté de texture. Il a fait planter davantage de cabernet franc, opté pour des extractions douces et des macérations longues. Il a aussi freiné l’usage du bois neuf. En 2020, Pavie Macquin se dote d’un cuvier adapté au parcellaire puis d’un nouveau chai d’élevage souterrain.
« 2023 est une bombe, l’aboutissement de 30 ans de travail », promet Stéphane Derenoncourt. « Nous sommes sur le temps long, insiste Nicolas Thienpont. Nous avons déjà restructuré tout le vignoble à plus grande densité, en passant de 5 500 pieds/ha à 8 500, avec un meilleur matériel végétal à partir de nos propres sélections massales. C‘est un nouvel élan que nous avons en effet acquis à partir de 2015-2016. » À charge de Cyrille, le fils ainé de Nicolas, arrivé au château en 2008, d’apporter la continuité. Il affiche ses ambitions. « J’aimerais faire connaître davantage l’histoire du lieu, apporter un travail parcellaire plus pointu. Il reste aussi quelques vieilles vignes à remplacer. » Le futur est déjà en marche à Pavie Macquin.
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