Parmi les appellations ligériennes, Vouvray tient une place à part. Ici, seul le chenin a droit de cité et il s’exprime de manière flamboyante dans un kaléidoscope de nuances, de textures et de styles.
Il y a mille et une façon d’arriver à Vouvray. Ca peut être par l’intérêt porté à ce fleuve insondable, sauvage qu’est la Loire. Ce cours d’eau qui fascine depuis des siècles déploie, le long de ses méandres, une rare beauté hypnotisante. Ce peut être aussi par le patrimoine culturel exceptionnel, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Certains seront attirés ici, à quelques kilomètres de Tours, par ces falaises de tuffeau qui cachent en leur sein une survivance du passé, les habitats troglodytiques. Ces cavités, creusées notamment pour extraire la pierre qui servit à la construction des châteaux alentours, abritent aussi des caves qui ne sont pas sans rappeler leurs cousines champenoises taillées, elles, dans la craie. Car c’est peut-être aussi par le vin que vous irez en pays vouvrillon comme on va en pèlerinage. Depuis près de 2000 ans, la vigne a trouvé ici un terrain à sa convenance. Cette vigne, elle est de chenin, le véritable roi de la contrée. Son histoire est étroitement liée à celle de Saint Martin, évêque de Tours, qui en fut le promoteur dès le IVème siècle de notre ère ! De l’abbaye de Marmoutier et du clos de Rougemont qu’il planta alors, les vignes se sont installées durablement sur cette terre de la rive droite de la Loire qui résiste à l’urbanisation grandissante de la métropole tourangelle située juste en aval.
Plus qu’un terroir, il y a ici une âme. Bien sûr, on pourrait citer cette terre qui balance entre aubuis et perruches (respectivement les terres argileuses et celles de silex), ces côteaux qui ne se donnent pas au premier regard et qui se cachent pour permettre aux raisins de parfaitement s’y épanouir. Mais le cœur battant de ce coin du vignoble français est le chenin. Ligérien de naissance, il l’est encore ultra majoritairement puisqu’on le trouve à 95% dans cette région à l’intérieur de nos frontières. Et si l’Afrique du Sud dispose de la plus grande surface plantée (50%) au niveau mondial, il trouve ici son expression la plus pure et la plus intéressante. Car le chenin, bien que capricieux et sensible aux maladies cryptogamiques, est un séducteur né. Il ne se contente pas de permettre la production d’un type de vin. Mais dans cet environnement, les conditions sont optimales pour créer 4 sortes de vins différents. De très grands vins secs dont la fraîcheur et la complexité aromatique raviront les plus exigeants comme avec la cuvée « le Marigny » du domaine des Aubuisières 2016 (14€). Mais aussi de grandissimes vins moelleux. Les demi-secs sont d’une tendreté sans pareil, suggérant la sucrosité plus que la mettant en avant. Pour s’en convaincre, il suffit de goûter le 2015 du domaine Sylvain Gaudron (6,2€) ou le 2016 du domaine du clos de l’Epinay (10,5€). Les Vouvray moelleux constituent pour leur part l’une des pépites absolues de notre patrimoine. Des vins au nez puissant, riche mais d’une droiture en bouche incroyable portée par une acidité admirable. Des gaillards bâtis pour traverser les décennies… voire les siècles et dont de très belles expressions viennent du domaine Paris père et fils (cuvée origine 2015 – 13€) ou du domaine Champalou (« les tries » 2009 – 30€). Mais n’oublions pas non plus que 60% de la production de Vouvray est effervescente. Une tradition remontant au XIXème siècle et qui offre aujourd’hui des rapports qualité-prix exceptionnels tel le Brut réserve millésimé 2014 du château Moncontour (8,95€). Un vin racé, complexe, appétant qui vous donnera l’envie, si ce n’était pas déjà le cas, d’aller découvrir, in situ, toute la magie de Vouvray.
NDR : 1ere diffusion 11 décembre 2018
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