« Forte colère » et vendanges moroses à Cognac

Le syndicat UGVC appelle les viticulteurs à manifester le 17 septembre à Cognac et en Charente. Il dénonce le « silence de la France et de l’Europe » face aux menaces de surtaxes chinoises.

C’est un appel à la « mobilisation générale face à une menace existentielle ». Le mardi 10 septembre 2024 lors d’une réunion publique à Châteaubernard (Charente), l’Union générale des viticulteurs pour l’AOC cognac (UGVC) a invité ses adhérents et tous les opérateurs de la filière à battre le pavé la semaine prochaine à Cognac.

La manifestation est prévue le mardi 17 septembre, en milieu de journée, devant la sous-préfecture. Le syndicat viticole entend dénoncer le « silence de la France et de l’Europe » face aux menaces de surtaxes punitives de l’ordre de 35 % que Pékin pourrait appliquer sur les cognacs et les brandys européens, en rétorsion à celles que l’Union européenne se prépare à lever sur les véhicules électriques chinois.

Une crise qui dit enfin son nom

« Pour la première fois depuis 1998, nous allons manifester notre très forte colère à Cognac ! Nous resterons mobilisés. Faute de retour rapide, nous irons à Angoulême et s’il le faut à Paris », a tonné Anthony Brun, le président de l’UGVC, exhortant le Premier ministre Michel Barnier à « prendre dans l’urgence les mesures nécessaires pour éviter une catastrophe ». Le syndicat considère que la filière cognac et son territoire sont « abandonnés » et même « sacrifiés » pour « des conflits qui ne les concernent pas ».

Cet appel à manifester intervient à la veille de vendanges moroses, dans une crise qui dit enfin son nom : celle d’un contexte géopolitique menaçant et d’une conjoncture économique dégradée, avec des expéditions en chute de 10,5 % lors de la campagne viticole 2023-2024. Les stocks sont au plus haut et la filière a décidé de limiter la production d’eaux-de-vie nouvelles. Le rendement commercialisable maximal tombe à 8,64 hectolitres d’alcool pur par hectare. Il faut remonter à 2009, au lendemain de la crise des prêts hypothécaires américains à haut risque, pour trouver plus bas (8,12).

Et l’on parle d’arrachage

Mardi, lors de la réunion de rentrée de l’UGVC, des mots jusqu’à présent tabous au pays du cognac ont été prononcés : « crise », « gueule de bois » et même « arrachage ». Anthony Brun a rapporté que les élus du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) réfléchissaient à la mise en place à l’horizon 2025 d’un « mécanisme de retrait volontaire et temporaire des surfaces affectées au cognac ». Les viticulteurs qui feraient l’effort d’arracher de la vigne, de renoncer à des droits de plantation et de trouver d’autres débouchés durables bénéficieraient d’un rendement commercialisable maximal bonifié. « Ce n’est pas souhaitable, c’est nécessaire », a insisté Anthony Brun.

Enfin, on apprenait aussi mardi que les vendanges au pays du cognac devraient débuter aux alentours du 23 septembre. Le rendement régional moyen s’annonce faible, de l’ordre de 95 hectolitres par hectare. C’est plutôt une bonne nouvelle. L’an passé, la récolte fut pléthorique et la gestion des excédents compliquée. Selon l’Agreste (le service officiel de la statistique agricole), la vendange 2024 en Charente et Charente-Maritime pourrait s’établir à 8,7 millions d’hectolitres, en chute de 35 % par rapport au millésime 2023 et en recul de 17 % par rapport à la moyenne quinquennale (2019-2024).


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