Le Sang des Cailloux | Conversation avec Frédéri Férigoule

7h du matin, Frédéri Férigoule rejoint ses vignes. C’est donc sur son tracteur que le vigneron rhodanien a accepté de répondre à mes questions. Si plus de 600 kilomètres nous séparaient, la voix n’en était pas moins chaleureuse. Espérons que cette conversation retranscrite aura gardé toute sa fraîcheur.

Frédéri Férigoule, merci de prendre ce temps pour nos chers lecteurs. Pourriez-vous commencer par leur parler un peu de vous, s’il vous plaît ?

Situé face aux Dentelles de Montmirail, le domaine de 17 hectares a vu le jour sous l’impulsion de mon père qui a commencé sa carrière en tant qu’ouvrier agricole. A cette époque, le vin était vendu au négoce. Il a alors sorti ses premières bouteilles dans les années 80 et construit sa cave en 2000. Quant à moi, j’ai toujours été là mais je me suis réellement installé en 2003. Nous avons obtenu les certifications Biologique et Biodynamique en 2010 et 2012.

En 40 ans d’existence, le domaine a dû connaître une jolie progression !

Des progrès, il y en a eu. Mais vous savez, je n’ai pas fait d’études ; je dois tout à mon père qui m’a transmis son savoir. Nous disposons d’un beau terroir sur lequel j’essaye de construire des vins fins qui contrastent avec ceux des années 1990-2000. Des vins gourmands et très frais ? Un vrai défi au sein de cette appellation solaire : je dois adapter mes cépages ainsi que les méthodes de culture et de vinification. J’opte pour des variétés dites « secondaires » [ndlr : le cahier des charges de l’appellation réclamant au moins 50% de grenache dans l’assemblage] que je cueille à juste maturité et que je ne laisse pas macérer trop longuement.  

Alors que mon père attendait six ou huit ans pour ouvrir ses vins, je souhaite savourer les miens tout de suite !

Parlez-nous de votre terroir, justement. J’ai appris qu’il contient des galets roulés comme à Châteauneuf-du-Pape, illustre voisin. En quoi est-il différent ? Comment votre domaine se démarque-t-il ?

Nous disposons d’un terroir très particulier : le sol est composé d’argile, de calcaire et de petits galets roulés. Toutefois, nous n’avons pas autant d’argile que Châteauneuf-du-Pape, un atout en ces périodes de sécheresse. Alors, parce que mes vignes doivent être en bonne santé et que je ne dois pas faire de « confiture » sur ce terrain très précoce, je connais parfaitement mon sol. Je suis ainsi un adepte de l’enherbement naturel à certaines périodes de l’année.

Vous savez, il faut rester humble face à la nature ; je n’ai aucune prétention de faire de grands vins. Aujourd’hui, tout ce qui m’importe est de trouver le juste équilibre et de signer un bon millésime. Quand les raisins sont bons, nous les laissons faire leur affaire, seuls en cave. C’est alors que le millésime s’exprime et peut, plus tard, raconter une histoire. Certaines années seront délicates, d’autres plus mûries par le soleil et, d’autres encore, plus serrées et austères à cause du Mistral qui aura beaucoup soufflé.

Le vin est finalement une jolie boîte à souvenirs… Une année vous a-t-elle marqué plus qu’une autre ?

2019, sans hésitation. Il s’agit de la première vraie sécheresse connue avec des températures record (47°C). Des grappes ont attrapé des coups de soleil… du jamais vu ! Et, pourtant, malgré le stress hydrique important que les vignes ont subi, jamais je n’ai eu d’aussi grosse récolte ; certaines grappes de grenache étaient aussi larges qu’un ballon de foot. Un vrai mystère…

Décidément, la nature nous rappelle notre petitesse…

Oh que oui ! Nous, vignerons, sommes terriblement dépendants d’elle. Je pense que nous formons la première génération qui ne maîtrise plus rien et connaît autant d’aléas. Mon père a connu vingt millésimes faciles tandis que je tremble devant les printemps humides, les gelées et les canicules. Le vin est une naissance : on s’épuise, on souffre et on enfante. On veut toujours mieux, on pleure beaucoup.

Il est vrai que vous vous investissez beaucoup. Quelle est la journée type d’un Frédéri Férigoule ?

Aucune journée ne se ressemblent si ce n’est qu’elles sont… longues ! J’ai mis du temps à les aimer mais, aujourd’hui, je ne m’en passerais plus. Je cours à longueur de temps, je rencontre du monde, je participe à des salons, je passe des vignes au bureau… Les missions sont bien variées. Mais le plus long, c’est la gestion des gamins ?

Parlons tout de même de vos vins ! Ces derniers ont-ils une âme ?

Je pense qu’en buvant nos vins, les amateurs retrouvent notre personnalité : mon père faisait des vins charnus quand, moi, je les veux plus allongés. Je ne propose que deux cuvées de rouges. La « Vieilles Vignes » mérite de reposer en cave deux ou trois ans après la mise. L’autre, malgré son origine (Vacqueyras) et son degré d’alcool (13,5°), est dotée d’une belle gourmandise. Je veux que le fruit explose en bouche. Alors, certes, vous retrouverez l’intensité du terroir, mais sa fraîcheur lui permet de passer partout et avec tout.

Vous réalisez également du blanc.

Oh, le blanc, c’est génial ! Il est malheureusement peu représenté au sein de l’appellation… Nous jouons avec tous les cépages autorisés par l’INAO et les avons plantés sur des terroirs assez secs. Les rendements ne sont pas gigantesques mais ils expriment à merveille le terroir et le millésime. Pour donner une complexité aromatique supplémentaire, nous effectuons une fermentation malolactique et élevons les vins douze mois sous-bois, avec leurs lies. Un petit jus qui paraît en 3 ou 4 000 flacons.

Merci Frédéri Férigoule pour cet entretien privilégié, laissons les amateurs se forger une idée de vos vins avec ceux en vente sur iDealwine ?

Les vins du domaine Le Sang des Cailloux en vente sur iDealwine

Lopy Vieilles Vignes

Issu de vieilles vignes de grenache majoritaire à 80% et complété de 20% de syrah, la cuvée Lopy tire ses lettres de noblesse d’un sol d’argile et de calcaire brun rougeâtre. Elles ont été cultivées avec soin, selon des principes bio et biodynamiques certifiés, sur un plateau de galets roulés au sein du lieu-dit Les Guarrigues. Comme à Châteauneuf-du-Pape, ces cailloux captent tout au long de la journée la chaleur du soleil pour la restituer aux vignes durant la nuit.

Les rendements sont estimés à moins de 30 hectolitres par hectare ce qui, in fine, garantit une belle concentration des jus. Les vendanges sont manuelles et précèdent un éraflage total ainsi qu’une vinification en cuves en béton ponctuée de remontages quotidiens. Le vin est ensuite élevé dans des tonneaux de 450 litres pendant un an.

Concentré et dense, ce vacqueyras persiste longuement grâce à l’intensité de ses arômes de fruits bien mûrs, d’épices, de cuir et de cacao amer. A garder en cave quelques années.

Doucinello

Face aux dentelles de Montmirail entre Vacqueyras et Sarrians, les 17 hectares de Frédéric et Serge Férigoule sont baignés de soleil et agités par le Mistral. Certifié en viticulture biologique depuis 2010 et en biodynamie en 2012 sur un terroir argilo-calcaire, rougeâtre, Frédéric et Serge Férigoule se sont essayés à la vinification de vins blancs depuis peu. En quelques années, ils se sont imposés grâce à des vins structurés et d’une grande richesse.

Ce vin est doté d’une grande richesse, au nez, il révèle des notes fruitées, des arômes de fruits noirs compotés. Gourmand à souhait, ce vin présente une matière généreuse qui tapisse le palais sans dureté et une finale minérale.

Pour le réaliser, le domaine a assemblé des cépages sudistes comme le grenache (largement majoritaire), la syrah, le carignan, le mourvèdre et le cinsault. Ceux-ci ont puisé les nutriments nécessaires à leur épanouissement dans des sols d’argile et de calcaire bruns rougeâtres ; et ce, sur un plateau couvert de galets roulés.

En cave, les raisins ont fait l’objet d’un éraflage complet, d’une fermentation dans des cuves en béton et de remontages quotidien. Le vin, lui, a été élevé en foudres pendant un an.

Floureto

Le domaine rhodanien Le Sang des Cailloux a pour habitude de donner à cette cuvée le nom d’une des trois sœurs du vigneron. Ainsi donc le millésime 2019 a-t-il été attribué à Floureto.

Riche d’une robe sombre et intense de laquelle s’échappent des notes profondes de fruits rouges et noirs bien mûrs, d’épices douces, d’olive, de garrigue et de figue, ce vacqueyras dévoile sans grande surprise une matière onctueuse tapissée par des tanins qui ne demandent qu’à s’assagir avec quelques années de repos en cave. Persistant, le vin s’accordera alors avec des mets de caractère tel un civet de lapin aux olives noires. En cuisine !

Pour le réaliser, le domaine s’est attaché à une culture certifiée bio et biodynamique du grenache, de la syrah, du carignan, du mourvèdre et du cinsault qui le composent. Ces derniers ont donc été récoltés à la main avant de faire l’objet d’une vinification traditionnelle dans des cuves en béton. Le vin a ensuite été élevé en foudres pendant un an.

Oumage

Oumage est sans aucun doute la cuvée pépite du domaine rhodanien Le Sang des Cailloux. Et pour cause, elle tire ses origines de vignes particulièrement anciennes qui, elles-mêmes, proviennent de micro-parcelles. Le terroir a vraiment été analysé et sélectionné avec minutie. Le grenache compose quasiment seul cette cuvée. Il est enrichi d’un peu de syrah qui confère au vin une certaine rectitude, voire une belle élégance. Ces raisins ont été cultivés avec soin, selon des principes certifiés bio et biodynamiques.

Après des vendanges manuelles, les baies ont été triées et égrappées. Une macération oscillant entre trois et quatre semaines permet d’extraire un maximum de saveur, d’arômes et de matière. Enfin, le vin a été élevé pendant 30 mois dans des tonneaux de 450 litres.

L’amateur imaginera alors bien qu’il a ici affaire à un vin de garde, un vin d’exception. Après une aération amplement recommandée, le vin exhale des notes imposantes de fruits rouges et noirs bien mûrs, presque cuits, de cacao, d’épices douces, de venaison et de bois précieux. Persistant et puissant, il formera un mariage heureux avec des mets de la même envergure. Que pensez-vous d’une dinde farcie au foie gras ?

Un Sang Blanc

Vacqueyras, paradis des vins rouges ? Connaissiez-vous les rares vins blancs qui y sont produits ? Laissez-vous ici surprendre par le savoir-faire de ce domaine familial qui travaille la vigne avec respect, selon des principes certifiés bio et biodynamiques. Particulièrement bien notée par les critiques professionnelles (Bettane Desseauve et La Revue du vin de France), celle baptisée Le Sang Blanc est un assemblage savant de différents cépages sudistes tels que le grenache blanc majoritaire et complété de clairette, de viognier, de bourboulenc, de roussanne et de marsanne. Ceux-ci ont puisé leurs lettres de noblesse dans des sols d’argile et de calcaire bruns rougeâtres siégeant sur un plateau de galets roulés. A noter que, comme à Châteauneuf-du-Pape, ces cailloux captent la chaleur du soleil pour la restituer aux vignes pendant la nuit.

En cave, des bâtonnages ainsi qu’une fermentation malolactique confèrent au vin un certain caractère gustatif et olfactif au vin. Tout comme la vinification et l’élevage en tonneaux d’ailleurs. Ainsi, le vin mérite d’être aéré avant sa dégustation. Il dévoilera alors des touches puissantes de fruits blancs et jaunes bien mûrs et une once de vanille et de crème pâtissière. A savourer avec des poissons ou des volailles en sauce crémée, par exemple.

Azalaïs

Azalaïs est un vacqueyras rouge qui contient, comme le stipule le cahier des charges de l’appellation, une majorité de grenache (70%), lui-même enrichi de cinsault, de syrah et de mourvèdre. Ces variétés ont été cultivées avec soin, selon des principes bio et biodynamique au sein d’un terroir essentiellement composé d’argile, de calcaire et de galets roulés.

Cueillies à juste maturité afin de signer un vin gourmand, frais et fruité, les baies sont éraflées et vinifiées traditionnellement en cuve béton avec des remontages quotidiens. Le vin est ensuite élevé 12 mois en foudres de 450 litres.

La dégustation dévoile à l’amateur une robe intense qui, elle-même révèle un nez riche, puissant, au nez mûr, fruité, voire compoté, complété de notes épicées. S’il se savoure volontiers dans sa jeunesse, il gagnera également à reposer quelques années en cave. Il se mariera à des mets de caractère comme un filet mignon de porc aux cèpes.

Cuvée de Lopy

La Cuvée de Lopy est un assemblage d’une majorité de grenache complétée de syrah. Tous deux sont issus de sols argilo-calcaires aux galets roulés et vendangés manuellement. Certifiée bio et biodynamique, cette cuvée a été élaborée à partir d’un égrappage total, une fermentation traditionnelle en cuves béton avec des remontages quotidiens. Le vin a été élevé 12 mois dans des tonneaux de 450 litres. Rubis profond, la robe exhale des notes de fruits mûrs et épicés, et la bouche s’ouvre sur des arômes de cuir et de cacao amer. Concentrée et dense, elle s’achève sur une finale longue et profonde. Ce vin est à ouvrir une heure avant son service. Attention, cette cuvée réalisée à partir des plus vieilles vignes du domaine est produite en petite quantité. Nous vous recommandons de la savourer avec des mets de caractère comme de la joue de bœuf braisée… en bonne compagnie, bien sûr !

Le Sang des Cailloux, ce qu’en disent les guides

La Revue du vin de France 2023 – 1* sur 3

Ce beau domaine de Vacqueyras dispose d’un magnifique terroir sur un plateau de galets roulés. Certifiée biologique dès 2010, en biodynamie depuis 2012, avec des rendements strictement contrôlés, la propriété produit des vacqueyras imposants qui demandent du temps pour se révéler pleinement : ce sont des vins souvent très structurés et d’une grande richesse, aux maturités élevées, même si, sur les derniers millésimes, ils ont tendance à s’affiner. La cuvée Lopy est le vin le plus riche et dense du domaine mais, sur certains millésimes, nous préférons l’équilibre des entrées de gamme. Le blanc s’impose comme un joli référent dans le secteur.

Les vins : nous n’avons reçu que deux cuvées cette année sur le millésime 2020. Un Sang Blanc reste une valeur sûre du Rhône sud, un blanc mûr et pas cadenassé dans son profil longiligne ; ample, mais sans déséquilibre. Le rouge Doucinello revendique un fruit juteux et sincère, auquel s’associent des notes de maquis. La bouche est de bonne facture, avec une mâche et une consistance de qualité. Les tanins demandent à se fondre un peu, mais nous n’avons aucune inquiétude à ce sujet.

Bettane+Desseauve – 3* sur 5

Figure de Vacqueyras, on doit beaucoup à Serge Férigoule et ses vins accompagnent l’histoire de cette appellation. D’abord ouvrier viticole, il est depuis 1990 le propriétaire du Sang des Cailloux. Une vingtaine d’hectares disséminés entre Vacqueyras et Sarrians sont vendangés à parfaite maturité et élevés longuement. Dans un style sans concession, qui tourne presque le dos à la modernité, ce domaine produit cinq cuvées en rouge, dont la concentration et le toucher délicat mériteraient une plus grande précision aromatique. Allez, un soupçon de progrès et le sang des cailloux continuera de couler dans la gorge de nombreux amateurs !

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