Le vignoble de la Côte Vermeille redessine son avenir

Après avoir lancé un état des lieux il y a 3 ans, le syndicat des vignobles de la Côte Vermeille a validé un plan d’action autour de la restauration de la rentabilité des exploitations. La relocalisation d’une partie des parcelles est envisagée pour rechercher l’adéquation optimale entre vin et terroir et affronter l’évolution du climat. Rencontre lors de la 2e édition de la Mostra à Banyuls-sur-Mer. 

Il est désormais celui qui fait la pluie et le beau temps au sein du syndicat des vins de la Côte Vermeille (50 domaines et 3 caves coopératives). Romuald Peronne, vigneron au Clos Saint-Sébastien à Banyuls-sur-Mer, est un président sans langue de bois. « Il faut arrêter avec le catastrophisme, on ne lit que des articles où on a l’impression que les vignes se meurent et où les vignerons sont en train de tirer la langue… Bien sûr, il y a des situations compliquées et oui bien sûr, il peut faire très chaud et sec mais ce n’est pas d’aujourd’hui, on a toujours eu ce climat aride. Interrogez les vignerons autour de vous, je suis sûr que la plupart vous parleront plus de rentabilité économique que de réchauffement climatique ! » Ce lundi 29 avril, sous une pluie salvatrice, une trentaine de producteurs de la bannière Les Vignerons sur Mer (AOC Collioure, AOC Banyuls et Banyuls Grand Cru, IGP Côte Vermeille), participent à la 2e édition de la Mostra au Mas Reig. Et le discours est limpide : « La sécheresse a toujours existé, on n’a pas attendu l’année 2023 pour s’en rendre compte, glisse Clémentine Herre, vigneronne au Domaine Tambour. C’est assez cyclique mais notre vigne est résistante et le collectif de vignerons est soudé. Ce réchauffement a du bon dans le sens où il donne des indications sur les terroirs qui n’ont plus d’avenir et au contraire, ceux qui sont potentiellement intéressants. » 

Délocaliser entre 150 et 200 hectares sur 20 ans
Au rez-de-chaussée, Marc Ouvrié, ingénieur spécialisé en viticulture et en œnologie détaille comment le cru va construire l’avenir de son vignoble et où ce dernier doit se situer à l’horizon 2050 : « En 2022, on a été mandaté pour lancer une étude de terroir portant sur la redéfinition éventuelle du contour du vignoble afin de rechercher l’adéquation optimale vin et terroir. » En effet, certaines zones du cru, aujourd’hui non délimitées dans l’aire d’appellation, semblent présenter de nombreux atouts pour la culture de la vigne pour redonner de la fraîcheur aux vins dont certaines parties du vignoble manquent aujourd’hui. « Plus on ira haut et sur la face Nord, plus il fera frais, on le sait tous, clame Romuald Peronne. Si on est optimiste et pas utopiste, on va délocaliser entre 150 et 200 hectares sur 20 ans. Aujourd’hui, il y a 1200 hectares sur le cru, alors qu’à la grande époque, c’était 4000 à 4500. À l’avenir, on descendra sous les 1000 car on n’arrive pas à vendre plus de 20 à 25000 hl (environ 3 millions de bouteilles). Il faut maintenir ce niveau de production mais il faut les affecter au bon endroit. C’est un travail très cartésien, très scientifique, un projet de longue haleine. » L’étude, très complète et portée par ADAMA, Vineis et Horizons Viticoles, a permis de dessiner une nouvelle cartographie du potentiel viticole via les données géo-pédologiques, topographiques et climatiques. « Notre objectif numéro 1 c’est de se dire : “Où sont les meilleurs terroirs pour planter les meilleurs cépages qui vont faire les meilleures cuvées ?” Il n’y a que dans la qualité de nos vins qu’on trouvera la réponse. Il y a des terroirs qui ne valent plus rien, il faut se le dire, il faut les éliminer. » Et offrir également aux nouveaux arrivants, de plus en plus nombreux, un outil de travail plus en adéquation avec son temps. « Je ne vais pas cracher sur les VDN, ils ont fait notre renommée et notre histoire, mais c’était surtout une culture de l’élevage, de la vinification, reconnaît le président du cru. Les vins secs, c’est le terroir et aujourd’hui, on est en train de les redécouvrir, surtout grâce aux collioure blanc. C’est excitant de travailler pour mettre le doigt sur des petites pépites qui feront les grands vins secs de demain. »

Reprendre son destin en main
La mise en place du plan de relance a débuté autour d’un collectif soudé qui a repris la main sur son destin. « On a voté en décembre 2023 la sortie du Cru Banyuls de l’interprofession (CIVR) à partir du 1er janvier 2025, prolonge Romuald Peronne. On a décidé de tout maîtriser et on estime qu’on ne sera jamais mieux servi que par soi-même. En plus, on a des budgets qui vont tripler, voire quadrupler, ce qui laisse imaginer des ambitions beaucoup plus importantes. » Comme ce salon des vins qui n’a pas eu de mal à faire le plein autour de cavistes, restaurateurs, sommeliers, journalistes de France mais aussi d’Espagne et d’Italie. « Il y a 3 ans, quand j’ai repris la présidence du syndicat, le problème majeur c’était son manque de notoriété donc on a mis l’accent là-dessus, explique-t-il. Après étude, il est apparu que 70 % de nos vins étaient vendus localement. On a donc lancé une opération autour de la valorisation des professionnels afin de les faire venir sur notre territoire dans l’esprit des primeurs de Bordeaux ». Mettre en avant le millésime 2023, faire du business et profiter de cet appel d’air pour montrer de visu ce terroir du bout du monde, non irrigable, non mécanisable, presque indomptable où la rudesse de la pente (30 % des surfaces à plus de 50 %) côtoie la douceur des vins. Sur la terrasse du Mas Reig, où la dégustation de vieux Banyuls enchante les palais, la vue de ces nuages bas qui chatouillent le grenache noir laisse place à un décor de cinéma. Clap de fin sur une Mostra qui porte bien son nom.

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