Mas Del Perié, le chant des vignes
Révélateur des terroirs cadurciens (ce n’est pas un type de roche mais bien un terroir de Cahors), Fabien Jouves entend jouer sa propre partition afin de signer des vins fins et soyeux, loin des préjugés charpentés que l’amateur peut malheureusement avoir des crus locaux. Zoom sur son Mas Del Perié qui a fait le choix audacieux d’une culture certifiée biodynamique et de vinifications naturelles.
Fabien Jouves, 5ème génération paysanne
Fils unique d’une famille paysanne du Causse depuis cinq générations, Fabien Jouves devient vigneron en domptant les plus hauts coteaux cadurciens. Grâce à lui, le malbec (également appelé côt) qui y règne en maître retrouve ses lettres de noblesse. Force est de constater que, au sein de la propriété de 27 hectares située à la jonction des coteaux du Quercy et de Cahors, une culture parcellaire est envisageable, permettant au cépage rouge de s’exprimer de façons diverses et variées. Le vigneron dit même de lui qu’il s’agit d’« un cépage de fou. Il ne supporte pas la médiocrité mais il offre une large palette de voies à explorer. Pour ma part, j’essaye d’explorer celle de la finesse.”
Vivre au tempo de son conservatoire variétal
Si, sous ses doigts de fée, le malbec fait grand bruit, les autres variétés autochtones ne sont pas en reste. Le blanc fait la part belle au chenin et tout un conservatoire variétal a été conçu, peuplé par de vieux cépages. Jurançon, negral, malpé, noual, magdeleine noire, pissaïre, gibert, grand noir de la calmette, mérille et pissaïre ne sont que des exemples.
Dans notre ère productiviste, Fabien Jouves fait donc figure d’exception en incitant ces raretés à chercher les nutriments nécessaires à leur épanouissement dans les sols grâce à une culture certifiée Bio (AB/ Eurofeuille depuis 2009) et biodynamique (Demeter, Biodyvin) depuis 2011. Si celles-ci respectent non seulement la vie des plantes et des animaux, elles considèrent les hommes qui travaillent dans les vignes. Ainsi, les vignes sont plus vigoureuses, engendrant de meilleures feuilles et fleurs. Puisant profondément la substantifique moelle du terroir, elles donnent naissance à des vins plus singuliers et authentiques. Afin de renforcer la vie microbienne locale, le retour à la polyculture s’impose donc avec des chênes truffiers, des lavandes, des ruches, un verger ancien ainsi qu’un élevage de cochons noirs élevés en plein air.
Novateur, Fabien Jouves ne s’arrête pas là. Intéressé par la génodique, il diffuse des ondes mélodiques dans les vignes dont le système immunitaire s’en trouve renforcé. Parallèlement à cela, ces ondes favorisent la croissance de la plante dans les endroits faiblement ensoleillés, améliore le rendement d’un point de vue quantitatif et qualitatif tout en accentuant la résistance du cep aux stress variés (hydrique ou de température).
La finesse en ligne de mire
Avant de se lancer dans cette aventure, les raisins de la famille était destinés à la coopérative locale. Fou des vins du domaine de l’Anglore, Fabien Jouves, en « monstre des vins nature » local, s’est lancé lui aussi dans le projet un peu fou de laisser les baies agir. Les vinifications sont donc naturelles et gravitaires, les fermentations enclenchées par les levures indigènes et les maturités avisées en fonction des cuvées. Cuves en béton, fûts, foudres, amphores… Les contenants sont donc variés. La collection de vins aussi : cuvées glouglou, parcellaires, crus de terroir et pet’ nat’ (= pétillants naturels) sont enrichis d’une production d’apéritifs à base de vin, de spiritueux et de jus de raisins.
Mais, ce qu’il faut retenir de son travail est bien qu’avant son arrivée, les vins de l’appellation étaient surtout connus pour leur charpente. Désormais, les amateurs avertis savent qu’il existe de jolies pépites d’une finesse exemplaire qui ont bien des choses à raconter dans le verre.
Mas del Perié de Fabien Jouves, ce qu’en disent les guides
Guide Vert de La Revue du vin de France – 2* sur 3
Installé en bio sur les coteaux de Trespoux, secteur le plus élevé de l’appellation, Fabien Jouves propose une gamme de vins épurés, qui respectent l’identité des terroirs jusqu’à revendiquer l’origine géologique sur l’étiquette de ses bouteilles bourguignonnes. Les cuvées possèdent le double atout de la précision et de la fraîcheur. La vendange 2019 a été accueillie dans un nouveau chai de vinification gravitaire ; cet atout indéniable s’associe à un retour à la polyculture avec la plantation de truffiers, lavandes, ruches, vergers anciens, et l’élevage de cochons noirs plein air en AB ; plantation de plusieurs parcelles de vieux cépages “conservatoires” : cahours, negral, baral, valdiguié pissaïre, magdeleine noire, mérille, grand noir de la calmette, gibert, noual, malpé, jurançon…. Fabien Jouves possède un matériel végétal, un outil de vinification et un talent qui lui valent cette année une nouvelle étoile, malgré un millésime 2021 difficile, avec lequel le vigneron a su composer pour produire des vins expressifs, sans verdeur, juste légers et, bien que sans soufre, toujours aussi précis.
Les vins : les 2021 de la gamme ont le profil sapide et énergique du millésime. Après 2019 et 2020, la matière manque une peu de rebond, mais le fruit frais reste croquant dans Les Escures. Amphore expose la complexité de son élevage en terre cuite, une pointe d’amertume dans le détail du tanin plus poli et sapide mais sans grande profondeur. La Roque, malbec sur marne brune du Miocène, sans soufre, propose un fruit délié sur une touche florale, des notes de violette et cranberry dans un palais svelte et frais. Tout aussi rafraîchissant, Autochtones est un assemblage de vieux raisins du Sud-Ouest (valdinguié, jurançon noir, gibert et noual) : une gourmandise ultra-fit au bouquet de fruit frais, de groseille et à la bouche énergisante et tendue, signature de Fabien Jouves dans ce petit millésime. On l’ouvrira en attendant 2020. Les Acacias est une cuvée issue des sidérolithiques qui possède un fond sérieux, vigoureux et racé, puisé au cœur des calcaires sur un bouquet percutant de fruits rouges mûrs, d’épices douces, de garrigue. Une partie de l’élevage de la cuvée B763 s’est faite en béton. Le nez, à la limite de l’oxydatif, avant que le vin ne se rétablisse sur une bouche plus précise, qui conjugue les fruits et les fleurs. Sur le front des blancs : Les Pièces Longues est un chenin minéral qui s’allonge en bouche ; et Orange Voilée, issu également de chenin, sous voile, offre un triptyque idéal : fruit radieux, fraîcheur intense et oxydatif respectueux.
